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Le démembrement de parts de SCI



Article mis à jour le 18 novembre 2022. Le démembrement de parts de SCI est un des moyens d’optimisation fiscale efficace pour un dirigeant d’entreprise qui désire acquérir son immobilier professionnel en ayant recours à l’emprunt bancaire. Il permet d’allier les avantages de la SCI à l’IS pendant le remboursement bancaire et de la SCI à l’IR lors de la revente.

 

 

 

INTERET DU DEMEMBREMENT DE PARTS DE SCI

 

Le recours au démembrement de propriété de parts sociales d’une SCI s’avère fiscalement intéressant pour l’acquisition de biens immobiliers destinés à la location et financée par l’emprunt, car il permet de bénéficier pendant la période du démembrement des avantages de la fiscalité des sociétés à l’IS (assiette réduite liée à la déduction des frais d’acquisition et à l’amortissement du bien et au taux d’imposition à 15 et 25% au lieu du  taux de l’IR majoré des 17,2% de prélèvements sociaux et éventuellement à la CEHR), tout en profitant lors de la revente du bien du régime des SCI relevant de l’IR (plus-values des particuliers avec le bénéfice de l’abattement pour durée de détention sans reprise des amortissements antérieurement déduits).

 

Le démembrement de parts sociales permet donc de bénéficier à la fois des avantages de la SCI à l’IS lors de la période de remboursement du prêt et des avantages de la SCI à l’IR lors de la revente du bien (voir notre nos articles « Quel statut fiscal pour investir dans l’immobilier locatif ? » « Fiscalité de l’investissement locatif professionnel : Modalités d’acquisition »).

 

Le recours au démembrement de parts sociales de SCI est à préférer au démembrement du bien immobilier notamment lorsque la cession d’un usufruit temporaire entraine un surcoût fiscal pour le vendeur. C’est notamment, le cas, depuis la Loi de finances rectificative pour 2012, et surtout depuis la réponse ministérielle Lambert du 2 juillet 2013 (voir notre article « Quel avenir pour le démembrement temporaire de propriété ?»).  En effet, en application de l’article 13-5 du CGI, le vendeur de l'usufruit temporaire d'un bien immobilier relevant de la fiscalité des particuliers (personne physique ou SCI à l’IR) ne relève plus du régime avantageux des plus-values des particuliers mais supporte une imposition coûteuse au barème progressif de l’impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux, sur le prix de vente de l’usufruit temporaire. La règle dissuade quiconque qui envisagerait de céder, la nue-propriété de son immeuble à une personne et un usufruit temporaire à une autre.

 

 

 

COMMENT FONCTIONNE LE DEMEMBREMENT DE SCI ?


 

Le schéma

 

Le démembrement de parts sociales de SCI ne porte pas directement sur le bien immobilier, l’usufruit et la nue-propriété se scindent sur les parts de la SCI non soumise à l’IS, détentrice de la pleine propriété du bien immobilier. 

 

Le démembrement de propriété n’est pas viager, mais à durée fixe. Il s’étend généralement sur une durée comprise entre 10 et 20 ans et au moins égale à celle de l’emprunt bancaire contracté pour l’acquisition du bien immobilier par la SCI.

 

L’usufruitier temporaire est généralement la société d’exploitation, qui est également locataire du bien immobilier et le nu-propriétaire détenant le capital de la société d’exploitation.

 

Imposition pendant le démembrement

 

La situation est comparable à celle d’une SCI à l’IS dès lors que l’usufruitier est soumis à cet impôt.

 

En effet, par défaut fiscalement transparente, les résultats de la SCI sont imposables entre les mains des associés à raison de la part de bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société (article 8 du CGI). C’est précisément à l’usufruitier que revient, en principe, la fraction du résultat courant correspondant aux parts démembrées, sauf clause statutaire ou acte contraire, c’est donc sur lui que repose l’imposition. L’on soulignera que la part de l’associé aux bénéfices d’une société transparente est réputée acquise, dès la clôture de l’exercice, nonobstant l’absence de décision de distribution adoptée en assemblée générale, si celle-ci choisit d’affecter les résultats en report à nouveau ou en réserve.

 

L’usufruitier se trouve en pratique alors imposé sur un revenu non perçu immédiatement dans la mesure où les revenus locatifs sont affectés, au moins en partie, au remboursement de l’emprunt contracté par la SCI pour l’acquisition du bien.

 

L’article 238 bis K du CGI permet, cependant, d’atténuer le poids de cette taxation grâce à une réduction notable du résultat imposable. En vertu de ce texte, la part  des résultats de la SCI revenant à l’usufruitier lorsqu’il s’agit d’une entité société soumise à l'IS, sera déterminée selon les règles applicables aux bénéfices réalisés par cette dernière, à savoir l'IS.

 

Le bénéfice taxable de la société usufruitière se trouve donc réduit par l’amortissement fiscalement déductible de son droit temporaire sur les parts de la SCI. Ainsi, le schéma présente, entre autres, l’intérêt du bénéfice d’un double amortissement de l’immeuble, l’un direct via la SCI et l'autre indirect à hauteur de la valeur de l’usufruit temporaire.

 

En sus de son bénéfice ainsi largement réduit, l’usufruitière sera soumise à un taux maximum d’imposition de 25%, bien plus intéressant que celui des personnes physiques relevant du régime des revenus fonciers pouvant atteindre les 66,2% (45%+17,2%+4%), avec toutefois la déductibilité partielle de la CSG de 5,8%.

 

A l’expiration de la période de démembrement


Le nu-propriétaire se trouve dans la situation d’un associé d’une SCI relevant du régime de l’IR depuis l’origine.

 

L’expiration de l’usufruit temporaire emporte des conséquences identiques à celles d’un démembrement grevant directement le bien immobilier. Le nu-propriétaire recouvre la pleine propriété des parts sociales de la SCI, en franchise d’impôts. Dès lors, il sera taxé sur les revenus de la SCI, mais sur des revenus effectivement encaissés. En effet, la dette contractée pour l’acquisition de l’immeuble intégralement apurée, les revenus fonciers, seront appréhendés par l’associé dorénavant titulaire en pleine propriété des anciennes parts démembrées à hauteur de sa participation.

 

 

Imposition lors de la vente du bien immobilier


C’est sans aucun doute l’hypothèse de la cession du bien immobilier à l’issue du démembrement, qui révèle l’intérêt de ce mécanisme par rapport à une SCI à l’IS. En effet, la plus-value est imposée au nom des associés suivant le régime applicable aux plus-values des particuliers, sans reprise de l’amortissement du bien immobilier déduit pendant la période de démembrement. Ainsi, l’ancien nu-propriétaire bénéficiera de l’abattement pour durée de détention, dont le point de départ est la date d’acquisition de l’immeuble par la SCI, avec un prix de revient correspondant au prix d’acquisition par la SCI, alors qu’il n’aura payé que le prix de la nue-propriété des parts de la SCI.

 

Pour résumer, en ce qu’il permet à la fois d’éviter de soumettre les revenus de la SCI au régime fiscal pénalisant des revenus fonciers pendant la période de remboursement de l’emprunt bancaire, tout en bénéficiant du régime favorable des plus-values des particuliers lors de la cession du bien, le mécanisme du démembrement des parts sociales de la SCI est indéniablement avantageux d’un point de vue fiscal. D’où la nécessité de s’interroger sur les risques fiscaux qu’il est susceptible de présenter.

 

 

 

VALORISATION DES DROITS DEMEMBRES

 

La valorisation de l’usufruitier temporaire est un élément délicat qui fait l’objet d’un article « Valorisation de l’usufruit temporaire et détermination de sa valeur économique » auquel nous vous invitons à vous reporter.

 

 

Conséquence d’une valorisation erronée


En raison de la communauté d’intérêt existant généralement entre les parties, il convient de valoriser correctement l’usufruit et la nue-propriété des parts de la SCI.

 

La surévaluation de l’usufruit conduit à avantager le nu-propriétaire, qui paye son droit à un prix inférieur à sa valeur réelle et l’expose ainsi à une taxation sur le montant de la minoration du prix en tant qu’avantage occulte constitutif d’une distribution de bénéfices au sens des dispositions de l’article 111, c du CGI. (CE 8e-3e ch. 24-octobre 2018 no 412322 et 412323 Sacajisme et Sondag et Schreiber).

 

A l’inverse, une sous-évaluation de l’usufruit fait encourir une imposition à l’IS du manque à gagner. Il en est ainsi de la cession de l’usufruit temporaire valorisé suivant le barème de l’article 669 du CGI alors que sa valeur réelle est supérieure (Arrêts Luccotel CAA Nantes 15 févier 2018, CE 30 septembre 2019 et CAA Nantes 26 novembre 2020 et arrêt CE 20 mai 2022 SC Ambroise C ).

 

 

Principes de valorisation


En ce qui concerne la valorisation d’un usufruit temporaire portant directement sur le bien immobilier et non sur des parts de SCI, le Conseil d’Etat par une décision du 24 octobre 2018 (arrêt Sacajisme précité) considère que la valorisation d’un usufruit temporaire, à défaut d’éléments de comparaison, doit être effectuée, d’après les flux prévisionnels actualisés de trésorerie après impôt que percevra l’usufruitier. Il a donc validé la méthode, utilisée par l’administration fiscale fondée sur la somme actualisée des revenus futurs de l’immeuble, dès lors qu’elle offre le même taux de rendement interne de l’investissement (TRI) pour l’usufruitier et le nu-propriétaire.

 

En ce qui concerne la valorisation d’un usufruit temporaire portant sur des parts de SCI, le Conseil d’Etat par un arrêt du 30 septembre 2019 n°419855 Hôtel Restaurant Luccotel, a validé l’utilisation de la méthode, pour un usufruit détenu sur des parts de SCI, mais invalidé les modalités d’application par l’administration qui actualisait non les flux futurs de trésorerie mais les résultats comptables futurs moins une décote liée à la fiscalité. Le Conseil d’Etat a considéré que l'évaluation du revenu futur attendu par un usufruitier de parts sociales ne peut avoir pour objet que de déterminer le montant des distributions prévisionnelles qui peut être fonction notamment des annuités prévisionnelles de remboursement d'emprunts ou des éventuelles mises en réserves pour le financement d'investissements futurs, lorsqu'elles sont justifiées par la société. Dans cette même affaire, l’arrêt de renvoi rendu par la Cour Administrative d’Appel de Nantes le 26 novembre 2020 a refusé d’appliquer une méthode proposée par l’administration fiscale consistant à comprendre dans les flux de trésorerie, le paiement après l’expiration du démembrement du compte courant de l’usufruitier résultant de la différence entre les résultats comptables et les dividendes versés.

 

Dans une affaire où l’usufruit portait sur des parts d’une société civile d’exploitation viticole (SCEV), le Conseil d’Etat, par un arrêt du 20 mai 2022 SC Ambroise C, a validé la méthode consistant à déterminer les flux prévisionnels selon l’historique de distribution de la SCEV en utilisant un taux d’actualisation fixé par référence à un taux marché corrigé du risque propre à l’entreprise. La référence à l’historique des distributions sera sans utilité dans le cas d’une SCI créée pour l’acquisition d’un immobilier.

 

La valorisation d’usufruit de parts de SCI doit utiliser la méthode des flux financiers actualisés (« discounted cash flows », ou DCF). Mais comme l’indique la rapporteur publique  dans ses conclusions relatives à l’arrêt du Conseil d’Etat 20 mai 2022 SC Ambroise C, il n’existe pas une seule et unique « bonne » méthode d’évaluation de l’usufruit des titres de sociétés non cotées, mais il s’avère que c’est la plus pertinente avec toutefois la problématique de la prise en compte de la trésorerie disponible, lorsque celle-ci est inférieure au bénéfice juridiquement distribuable.

 

Le Conseil d’Etat n’a pas eu à statuer sur le taux d’actualisation à utiliser, le taux utilisé par l’administration n’ayant pas été contesté par les contribuables.

 

Nous considérons que le principe énoncé par le Conseil d’Etat dans son arrêt SCI Sacajisme, cité ci-dessus, applicable pour les démembrements portant directement sur des biens immobiliers, de réalisation d’un TRI identique pour l’usufruitier et le nu-propriétaire sécurise le démembrement de parts de SCI, comme nous l’exposons dans notre article « Valorisation de l’usufruit de parts de SCI,».

 

Nous appliquons donc ce principe, quand il est possible, dans les opérations de démembrement de SCI que nous mettons en place.

 

 

Modalité de valorisation de l’usufruit portant sur des parts de SCI


La valorisation d’usufruit de parts de SCI doit donc être effectuée, par actualisation des distributions prévisionnelles.

 

Les revenus prévisionnels générés par la détention de l’usufruit temporaire, déterminés en fonction de la trésorerie que dégagera la SCI, qui sera appréhendée par l’usufruitier sous forme de dividendes, correspondant, au vu d’un prévisionnel de trésorerie arrêté sur la base des principes suivants :

 

  • à la trésorerie dégagée par la SCI pendant la durée du démembrement, qui correspond au montant du loyer perçu net de charges moins les remboursements bancaires, dans la limite du résultat comptable de la SCI ;
  • minorée de l’IS à la charge de l’usufruitier ;
  • et majorée de l’éventuel paiement du compte courant de l’usufruitier à l’expiration du démembrement, dans l’hypothèse où il est distribué la totalité du résultat comptable et que la différence avec les dividendes effectivement versées est inscrite en compte courant au nom de l’usufruitier payable à l’expiration du démembrement.

 

L’IS à la charge de l’usufruitier est assis sur :

 

  • le résultat fiscal de la SCI, déterminé selon les règles applicables aux sociétés relevant de l’IS ;
  • minoré de l’amortissement de l’usufruit temporaire, égal à sa valeur d’acquisition (chaque année sa valeur se déprécie jusqu’à être nulle à son extinction) ;
  • et diminué des frais financiers se rapportant à l’éventuel emprunt contracté pour l’acquisition de l’usufruit.

 

Ces flux, dans la mesure où ils seront générés sur plusieurs années, doivent être actualisés, à un taux qui permet à l’usufruitier et au nu-propriétaire de réaliser un taux identique.

 

Pour déterminer le TRI du nu-propriétaire, nous partons du principe qu’il est procédé à la cession du bien immobilier à l’expiration du démembrement au prix d’achat majoré d’une indexation identique à celle appliquée du loyer.

 

 

 

CONTRAINTES FISCALES A RESPECTER


 

Valorisation des droits démembrés


La première contrainte est la correcte valorisation des droits démembrés pour éviter les redressements fiscaux fondés sur une sous ou surévaluation de l’usufruit et de la nue-propriété comme exposé ci-dessus.

 

 

Distribution du résultat de la SCI


En raison du prêt bancaire, dont le remboursement du capital contrairement aux intérêts qui ne constituent pas une charge comptable, la trésorerie de la SCI sera généralement inférieure à son résultat comptable.

 

Or, l’usufruitier a vocation à percevoir les fruits générés par les parts sociales de la SCI, c’est-à-dire le résultat mis en distribution.

 

A cet effet, l’usufruitier qui vote l’affectation du résultat a intérêt à maximiser les distributions en votant la distribution de la totalité du résultat comptable et ainsi de ne pas la limiter à la trésorerie, la partie du dividende excédant la trésorerie  étant inscrite en compte courant.

 

Mais il est courant que le capital de la société usufruitière soit détenu par le nu-propriétaire, qui  a intérêt à limiter la distribution à la trésorerie, les sommes portées en réserves lui revenant à l’expiration du démembrement.

 

Ainsi en tant qu’associé contrôlant l’usufruitier, il peut voter, par l’intermédiaire de l’usufruitier la limitation de la distribution à la trésorerie disponible, mais en agissant ainsi, il privilégierait son intérêt personnel au détriment de l’usufruitier. Or, il est alors probable que l’administration fiscale y voit un avantage occulte au sens des dispositions de l’article 111, c du CGI sur lequel le nu-propriétaire serait imposé.

 

Pour éviter cet écueil, certains praticiens prévoient de limiter statutairement les droits à dividende de l’usufruitier à la trésorerie, en se focalisant sur l’article 238 bis K du CGI et le principe selon lequel les dividendes n’ont pas d’existence juridique avant la constatation de l’existence de sommes distribuables par l’organe social compétent, en l’occurrence l’usufruitier (Cass com 18 déc 2012, n°11 27745), mais en oubliant les termes de l’article 8 du CGI qui dispose :

 

En cas de démembrement de la propriété de tout ou partie des parts sociales, l’usufruitier est soumis à l’impôt sur le revenu pour la quote-part correspondant aux droits dans les bénéfices que lui confère sa qualité d’usufruitier. Le nu-propriétaire n’est pas soumis à l’impôt sur le revenu à raison du résultat imposé au nom de l’usufruitier.

 

Or par une telle clause statutaire, les droits de l’usufruitier dans les bénéficies sont limités à la trésorerie, il n’est donc imposable que sur cette partie des bénéfices. En conséquence, le nu-propriétaire sera soumis à l’IR sur la partie des bénéfices excédant la trésorerie, qui n’aura pas été imposée au nom de l’usufruitier.

 

Il est à noter que cette position n’est pas partagée et même contestée mais à notre avis, ce n’est pas cette interprétation qui est contestée mais plutôt le fait de ne pas avoir analysé les conséquences de la clause statutaire limitant les droits de l’usufruitier dans les bénéfices au regard de l’article 8 du CGI.

 

Ainsi, si cette interprétation devait être confirmée par l’administration et le juge administratif, le nu-propriétaire se retrouverait dans une situation identique à celle de l’associé d’une SCI à l’IR qui serait imposable à l’IR et aux prélèvements sociaux sur des revenus qu’il n’aura pas encaissés, ce qui n’est pas le but du schéma.

 

Le fait de prévoir l’affectation de la totalité du résultat au profit de l’usufruitier a certes pour inconvénient que le nu-propriétaire devra payer le compte courant de l’usufruitier, rendant le schéma moins intéressant mais a pour avantage d’augmenter le TRI de l’usufruitier, élément clef pour la valorisation de l’usufruit, si l’on retient un taux d’actualisation permettant la réalisation d’un TRI identique pour l’usufruitier et le nu-propriétaire.

 

 

Intérêt significatif de l’usufruitier de participer à l’opération


 

En raison de la communauté d’intérêts existant entre les parties, le démembrement ne peut pas se traduite par un avantage au profit du seul nu-propriétaire.

 

Il est donc impératif que la société d’exploitation trouve un intérêt significatif à sa participation à l’opération.

 

La réalisation d’un TRI équivalent entre l’usufruitier et le nu-propriétaire est nécessaire mais non suffisant.

 

En effet, réaliser un TRI important sur un faible investissement n’est pas significatif et ne peut justifier, à notre sens, l’intérêt de l’usufruitier de participer à l’opération.

 

Ce caractère significatif peut être mesuré à l’aune du montant du loyer que le locataire, également usufruitier paye.

 

A titre de règle pratique, nous considérons dès lors que le bénéfice généré par la détention de l’usufruit excède sur la période 20% du loyer, cet intérêt doit être considéré comme acquis.

 

Ainsi en participant à l’opération, l’usufruitier diminue d’au moins 20% le coût d’occupation de ses locaux, ce qui parait significatif.

 

Mais bien évidement, le montant du loyer doit correspondre à la valeur locative, car en effet, si le loyer est surévalué, l’intérêt de la société d’exploitation sera neutralisé.

 

Un autre intérêt peut correspondre aux prérogatives qu’il tire de son statut. Il jouit de la possibilité d’utiliser le bien comme un propriétaire sans les contraintes de la location, bénéficie d’un coût d’occupation des locaux convenable, décider librement des travaux et peut se prémunir des augmentations des loyers ou d’un congé à l’expiration du bail, mais la communauté d’intérêt existant généralement entre les parties minimise cet argument, sauf si une cession de la société d’exploitation est envisagée à terme,

 

 

ABUS DE DROIT


 

Principes


 

La notion de l’abus de droit prévu par l’article L64 du LPF permet à l’administration fiscale de remettre en cause les actes fictifs et ceux inspirés par aucune motivation autre que celle d’éluder ou d’atténuer sa charge fiscale : la recherche d’un but exclusivement fiscal.

 

Dans le cas de cession d’un usufruit temporaire portant directement sur un bien immobilier, la Cour Administrative d’Appel de Nantes (1re ch., 31 mai 2018, n° 16NT04184) a écarté l’abus de droit en considérant que cette cession a produit des effets économiques et juridiques distincts de la signature ou la poursuite d’un contrat de bail, dès lors que la SCI a reçu immédiatement un prix de cession ferme et définitif, et non des loyers échelonnés sur une période de quinze ans, susceptibles d’être interrompus en cas de cessation d’activité.

 

Dans le cas plus spécifique du démembrement portant sur des parts sociales de SCI, le Comité de l’abus de droit apporte quelque peu des éclairages sur la délicate limite entre ce qui est admis et ce qui ne l’est pas dans ce type de montage. Dans son avis du 29 janvier 2015, affaire n°2014-33, il estime que caractérise un abus de droit, un montage dans lequel la société usufruitière, dont l’activité se limitait à la seule détention de l’usufruit, ne bénéficiait de distributions du résultat de la SCI uniquement pour des montants limités représentant, dans le meilleur des cas, celui des charges - essentiellement fiscales - dont elle était redevable. Le comité conclut en une absence de substance économique. Dès lors que les distributions qui lui étaient versées ne couvraient que son IS, et qu’elle n’avait aucune autre activité, la société usufruitière ne pouvait valablement justifier d’un intérêt économique à la détention de l’usufruit. Il était plutôt aisé pour l’administration fiscale d’y voir une structure artificielle caractérisant la poursuite d’un but exclusivement fiscal.

 

Dans une autre affaire, visée par l’avis n°2016-11 du 23 juin 2016, le Comité de l’abus de droit écarte l’abus de droit, considérant que la société usufruitière n’était pas dépourvue de substance économique, dès lors qu’elle disposait d’une trésorerie abondante résultant des distributions de la SCI démembrée et que le démembrement répondait, indépendamment de l’économie fiscale procurée à des préoccupations familiales et patrimoniales.

 

Dans des avis récents du 15 novembre 2019 concernant la même affaire (n° 2019-42, 2019-46 à 2019-59), le Comité a validé des redressements fondés sur l’abus de droit relatifs à des démembrements conduisant à un déficit présentant un caractère structurel sur l'ensemble de la période considérée.

 

Dans les affaires où le Comité a validé l’abus de droit, les démembrements se traduisaient par une absence de perception de dividendes ou un montant de dividendes limité à la couverture des charges de l’usufruitier. 

 

La jurisprudence s’est prononcée dans le cas d’un démembrement de parts, alors que la nue-propriété était détenue par les associés personnes physiques d’une SARL qui avait acquis l’usufruit. L’administration fiscale a invoqué le but exclusivement fiscal de l’opération en soutenant que le démembrement des parts permettait à la SARL en tant qu’usufruitier, de déduire les intérêts d’emprunt souscrit pour l’acquisition de l’usufruit et de son amortissement, et de bénéficier d’un IS plus avantageux sur les revenus des parts démembrées par rapport à la taxation à l’IR.

 

Or pour les juges, l’opération de démembrement avait l’intérêt réel économique pour la SARL d’acquérir l’usufruit des parts et quand bien même la SARL avait acquis les parts en pleine propriété, cette dernière pourrait toujours bénéficier de la déduction des intérêts d’emprunt liés à l’acquisition et les revenus perçus seraient toujours imposés à l’impôt sur les sociétés. (CAA Douai 1-7-2019 n°17DA01029, min c/ SARL Thierry C.).

 

Mais, en tout état de cause, la distribution de dividendes est susceptible de permettre d’écarter le risque de l’abus de droit sur le terrain de la recherche du but exclusivement fiscal de l’opération.

 

 

Mini abus de droit


 

De son côté, l’article L 64 A du LPF a institué le mini abus de droit applicable aux opérations réalisées depuis le 1er janvier 2020 dans un but principalement fiscal.

 

En effet, la Loi de finances pour 2019 a prévu que l'abus de droit est désormais caractérisé en présence d'un acte visant un objectif principalement fiscal, et non plus seulement exclusivement fiscal.

 

Devant l’incertitude juridique créée par cette extension, nous proposons des schémas qui respectent les contraintes fiscales exposées ci-dessus, ce qui nous permet de considérer qu’ils ne répondent pas à un but principalement fiscal. Par ailleurs, ils permettent de limiter les conséquences fiscales dommageables d’une éventuelle mise en œuvre de la procédure du mini abus de droit.

 

Mais, l’économie fiscale sera moindre que des schémas plus agressifs.

 

 

 

LA PROBLEMATQIE DE L’ABSENCE DE TRESORERIE DE LA SCI


Nous sommes dans le cas fréquent où le montant du loyer est équivalent à celui des remboursements bancaires ; ce qui ne permet pas à la SCI dégager de trésorerie.

 

Il peut s’agir du cas d’une acquisition de bien immobilier financé entièrement par l’emprunt, seuls les frais d’acquisition étant financé sur fonds propres, d’une durée de 20 ans au taux de 2%, sans assurance, avec un taux de rendement net de 6%.

 

S’il est décidé de limiter la distribution de dividendes par la SCI à la trésorerie, l’usufruitier ne percevra pas de dividendes les premières années. Il pourra percevoir des dividendes ultérieurement par le jeu de l’indexation du loyer mais l’IS généré par la détention de l’usufruit sera supérieur aux dividendes reçus.

 

Dans ces conditions, l’usufruit ne vaut rien et sa cession pourrait être consentie pour un prix symbolique, ce qui aura l’avantage d’éviter une forte imposition au titre de l’article 13.5 du CGI, mais l’intérêt pour l’usufruitier de participer à l’opération est nul. Dans ces conditions le risque d’abus de droit nous parait important.

 

Il pourrait être objecté des intérêts autres que financiers, tel que la titularité des droits générés par la détention de l’usufruit supérieur à celui d’un locataire, mais cela compensera-t-il l’absence d’intérêt financier ? Il est à craindre que la réponse soit négative, mais là encore notre position n’est pas unanimement  partagée.

 

Cependant, s’il est décidé de distribuer à l’usufruitier la totalité des résultats lui revenant et d’inscrire en compte courant la partie des dividendes qui n’aura pas été effectivement versée, ledit compte courant étant payé à l’expiration du démembrement, l’usufruit aura une valeur de 2% du prix d’acquisition du bien immobilier, avec un taux d’actualisation de 15% égal à celui du nu-propriétaire ou de 11% avec un taux d’actualisation de 6%, égal au taux de rendement du bien immobilier. Ainsi, l’usufruitier aura réalisé un placement rentable.

 

Mais pour autant, cela évitera-t-il l’abus de droit sachant que pendant toute la période du démembrement, la détention de l’usufruit n’aura pas généré de trésorerie positive après IS ou une faible trésorerie ?

 

Pour éviter ces interrogations, il parait préférable que le nu-propriétaire consente un investissement significatif soit en capital au début de l’opération, ou s’il ne dispose pas du capital nécessaire qu’il investisse pendant la durée du démembrement. En effet, nous considérons qu’un faible investissement pour se retrouver plein propriétaire à l’expiration du démembrement fragilise le schéma. Dans ce cas, il serait préférable de retenir la solution de la SCI à l’IS, mais avec la problématique du coût de la revente.

 

 

Date :18/11/2022 - Source : Vincent HALBOUT - VHAvocats
 




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